
Par Ramzy Baroud, le 21 novembre 2025
Le cessez-le-feu à Gaza n'a jamais signifié la fin de l'offensive, plutôt une stratégie cynique et génocidaire du génocide et de la destruction de Gaza.
À partir du 10 octobre, le premier jour du cessez-le-feu, Israël a changé de tactique, passant de bombardements aériens aveugles à la destruction méthodique et planifiée de bâtiments d'habitation et d'infrastructures vitales. Des images satellites, corroborées par des reportages médiatiques et terrestres heure par heure ont confirmé les faits.
Alors que le retrait des unités de combat israéliennes semblait s'effectuer vers la région adjacente de "l'enveloppe de Gaza", de nouvelles unités ont progressé dans la zone située à l'est de la ligne jaune, afin de détruire systématiquement toute trace de vie, de culture et de civilisation. Entre le 10 octobre et le 2 novembre, Israël a détruit 1 500 bâtiments avec ses unités d'ingénierie militaire spécialisées.
L'accord de cessez-le-feu a divisé Gaza en deux zones : l'une à l'ouest de la ligne jaune, où les survivants du génocide israélien ont été confinés, et l'autre, plus étendue, à l'est de la ligne, où l'armée israélienne a maintenu une présence militaire active et a continué à opérer en toute impunité.
Si Israël avait réellement eu l'intention d'évacuer la zone après la deuxième phase du cessez-le-feu convenue, pourquoi poursuivre activement la destruction systématique et structurelle de cette région déjà dévastée ? Il est clair que les motivations d'Israël sont bien plus insidieuses, pour rendre la région définitivement inhabitable.
Outre la destruction des infrastructures, Israël mène également une campagne continue de raids aériennes et d'attaques navales, ciblant sans relâche Rafah et Khan Yunis au sud. Puis, en redoublant d'intensité, Israël a également commencé à attaquer des zones qui, en théorie, sont censées être sous le contrôle des Gazaouis.
Selon le ministère palestinien de la Santé à Gaza, 260 Palestiniens ont été tués et 632 blessés depuis le début du soi-disant cessez-le-feu.
Concrètement, ce cessez-le-feu n'est qu'une trêve unilatérale, et Israël poursuit une offensive incessante contre Gaza, tandis que les Palestiniens se voient systématiquement refuser le droit de riposter ou de se défendre. Gaza est ainsi condamnée à revivre le même cycle tragique d'histoire violente : une région sans défense et appauvrie, piégée par les calculs militaires d'Israël, qui opère systématiquement en violation du droit international.
Avant la création d'Israël et la destruction de la Palestine historique en 1948, les frontières de Gaza n'étaient pas définies selon des critères militaires. La région de Gaza, l'une des plus anciennes civilisations du monde, a toujours fait partie d'un espace socio-économique et géographique plus vaste.
Avant que les Britanniques ne la baptisent " Gaza District" (1920-1948), les Ottomans la considéraient comme un sous-district (kaza) au sein du mutasarrifate de Jérusalem, une entité administrative indépendante.
La désignation britannique de Gaza ne l'isolait pas encore du reste du territoire palestinien, car les frontières du nouveau district s'étendaient jusqu'à Al-Majdal (aujourd'hui Ashkelon) au nord, Bir al-Saba' (Beersheba) à l'est, et jusqu'à la ville de Rafah, à la frontière égyptienne.
Ce n'est qu'après les accords d'armistice de 1949 qui ont codifié les frontières post-Nakba, le calvaire collectif de Gaza, que la réduction de son territoire a véritablement commencé. Le vaste district de Gaza a été brutalement réduit à la bande de Gaza, qui ne représente que 1,3 % de la taille totale de la Palestine historique. Sa population a explosé avec plus de 200 000 réfugiés désespérés après la Nakba, qui ont été piégés et confinés dans cette minuscule bande de terre pendant plus de 77 ans.
Lorsque l'État hébreu a définitivement occupé Gaza en juin 1967, les frontières qui la séparaient du reste du territoire palestinien et arabe sont devenues permanentes. Puis, peu après l'occupation de la bande de Gaza, Israël a commencé à restreindre davantage la liberté de mouvement des Palestiniens en divisant Gaza en plusieurs secteurs. La taille et l'emplacement de ces séparations internes ont été largement déterminés par deux objectifs principaux : fragmenter la société palestinienne afin de la soumettre, et créer des "zones tampons" militaires autour des camps militaires et des colonies israéliennes illégales.
Entre 1967 et le "désengagement" d'Israël de Gaza, l'État hébreu a établi 21 colonies illégales, de nombreux couloirs militaires et checkpoints, coupant ainsi la bande de Gaza en deux et confisquant près de 40 % de son territoire.
Après son retrait en 2005, Israël a maintenu un contrôle absolu et unilatéral sur les frontières de Gaza, son accès à la mer, son espace aérien et même son registre de population. Israël a également créé une autre frontière interne à Gaza : une " zone tampon" hautement fortifiée qui borde les frontières nord et est. Cette nouvelle zone a été le théâtre de l'assassinat de sang-froid de centaines de manifestants non armés, ainsi que de violences ayant blessé des milliers d'autres personnes qui ont osé s'approcher de ce qui était souvent qualifié de "zone de mort".
Même la pêche en mer de Gaza a été interdite. Les pêcheurs ont été confinés dans des espaces minuscules, parfois inférieurs à trois milles marins, et ont été la cible de tirs réguliers de la marine israélienne, qui a également coulé des embarcations et détenu les équipages en toute impunité.
La nouvelle ligne jaune de Gaza n'est que la dernière et la plus flagrante des démarcations militaires d'une longue et cruelle histoire de restrictions destinées à anéantir la population palestinienne. Mais cette dernière version est pire que toutes les précédentes, car elle asphyxie littéralement une population déplacée, confinée dans une zone intégralement détruite, sans hôpitaux fonctionnels et où l'aide vitale est quasi inexistante.
Pour les Palestiniens qui luttent depuis des générations contre l'isolement et le morcèlement de leur territoire, ce nouveau dispositif est l'aboutissement intolérable et inexorable de leur dépossession multigénérationnelle.
Si Israël croit pouvoir imposer cette nouvelle démarcation de Gaza comme nouveau statu quo, les prochains mois montreront que cette conviction est gravement erronée. Tel-Aviv a simplement recréé une version bien pire et intrinsèquement instable de la violence qui existait avant le 7 octobre et le génocide. Même ceux qui ne connaissent pas bien l'histoire complexe et douloureuse de Gaza réalisent que prétendre maintenir cette "ligne jaune" relève d'une dangereuse illusion aux conséquences potentiellement dévastatrices.
Traduit par Spirit of Free Speech
* Ramzy Baroud est journaliste, auteur et rédacteur en chef du Palestine Chronicle. Il est l'auteur de six livres. Son prochain ouvrage, « Before the Flood », sera publié par Seven Stories Press. Parmi ses autres ouvrages, citons « Our Vision for Liberation », « My Father was a Freedom Fighter » et « The Last Earth ». Baroud est chercheur senior non résident au Center for Islam and Global Affairs (CIGA). Son site web est www.ramzybaroud.net